La Toussaint dans la France « vintage »

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Le 1er novembre. Aujourd’hui, pour beaucoup, c’est un jour férié comme les autres, souvent l’occasion d’un pont prolongé ou d’un repos bien mérité. Mais dans la France vintage des années 50, la Toussaint était bien plus qu’une date sur le calendrier. C’était un marqueur fort du mois de novembre, un rendez-vous annuel incontournable qui rythmait la vie familiale et sociale. Loin du tumulte de la consommation, cette journée était dédiée au recueillement, à la mémoire et au maintien des liens avec les défunts.

Dans cet article, nous allons explorer les rituels profonds, les objets emblématiques et les sentiments partagés qui animaient cette journée particulière dans la France de l’après-guerre.

Le grand départ : le pèlerinage annuel au cimetière

Dans la France vintage des années 50, la voiture n’est pas encore démocratisée dans tous les foyers et cela vait de l’importance le jour de la Toussaint. Pour beaucoup, « aller au cimetière » pour la Toussaint était un véritable petit voyage.

  • En zone rurale : On y allait souvent à pied, en famille, parfois sur plusieurs kilomètres, sur les chemins de campagne gorgés d’humidité. C’était une procession silencieuse, les enfants portant les outils (arrosoir, brosse) et les fleurs.
  • En zone urbaine : C’était le tramway ou l’autobus qui transportait les familles vers les grands cimetières. Les rames étaient bondées, chacun avec son bouquet de chrysanthèmes enveloppé dans du papier kraft. Ce voyage collectif créait déjà un sentiment de communauté et de partage du deuil.

Ce déplacement n’était pas une contrainte. C’était un devoir sacré, une marque de respect envers les générations passées. La Toussaint était l’occasion unique de réunir la famille autour de ce point de convergence. Les enfants apprenaient très jeunes l’importance de ce rituel.

Le chrysanthème : la fleur iconique du souvenir

L’objet floral par excellence de la Toussaint des années 50 est incontestablement le chrysanthème. Son choix n’est pas anodin. Il est lié à sa capacité à fleurir tardivement, bravant les premiers froids de novembre, et à sa robustesse.

  • Le marché aux fleurs : Quelques jours avant le 1er novembre, les marchés se transformaient en une mer de chrysanthèmes. Toutes les variétés étaient là : les « grosses têtes » impressionnantes, les petites pomponnettes, dans des couleurs allant du blanc pur au jaune éclatant, en passant par le pourpre et le bronze.
  • Le prix : Le chrysanthème était accessible. C’était la fleur du peuple pour la Toussaint, contrairement à d’autres fleurs plus coûteuses. On achetait souvent des plantes entières en pot, plutôt que des bouquets coupés, pour qu’elles durent plus longtemps sur la tombe.

L’acte d’achat du chrysanthème était lui-même un rituel. On choisissait avec soin, on négociait parfois le prix. C’était un engagement visible envers le souvenir.

Le rituel de la tombe : nettoyage et embellissement

Arrivé au cimetière, le travail commençait. Dans la France vintage des années 50, la tombe n’était pas seulement un lieu de mémoire, c’était un espace à entretenir, à choyer et cela se constatait à la Toussaint.

  • Le nettoyage : La première étape était le grand nettoyage. On brossait la pierre tombale (souvent en marbre ou en granit), on enlevait les feuilles mortes, la mousse et la saleté accumulée. On astiquait les plaques commémoratives en émail ou en laiton, on frottait les petites statues d’anges. L’eau portée dans des arrosoirs servait à rafraîchir la terre et la pierre.
  • L’embellissement : Une fois propre, la tombe recevait les chrysanthèmes. On les disposait avec soin, parfois dans des cache-pots en céramique ou en tôle émaillée. Des « porte-couronnes » en fer forgé, plantés dans la terre, permettaient d’y accrocher les couronnes de perles de verre ou de fleurs artificielles.
  • Les plaques : Au-delà des fleurs, les plaques funéraires étaient des objets emblématiques. En marbre, en granit ou en tôle émaillée, elles portaient des messages intimes : « À mon cher mari », « À notre enfant chéri », ou des versets de la Bible. Elles donnaient une voix à la douleur et à l’amour.

Ces gestes étaient des actes d’amour, de lien maintenu avec l’absent. Ils réaffirmaient l’appartenance à une lignée, à une histoire familiale. Les enfants participaient à ces tâches, apprenant ainsi la piété filiale et le respect des morts.

Le temps du recueillement : prières et souvenirs partagés

Une fois la tombe nettoyée et fleurie, venait le temps du recueillement. Le silence se faisait plus profond, seulement troublé par le souffle du vent dans les cyprès ou le murmure d’autres familles.

  • La prière : Pour les familles catholiques, la prière était centrale. On récitait un « Notre Père », un « Je vous salue Marie », parfois une litanie pour tous les défunts. Les bougies votives, placées dans de petits photophores, brûlaient lentement, symbolisant la lumière éternelle.
  • Le souvenir partagé : On évoquait les souvenirs du défunt. Les grands-parents racontaient des anecdotes sur la personne disparue. C’était une transmission orale de l’histoire familiale, une façon de faire vivre l’absent à travers le récit. Les enfants écoutaient, construisant ainsi leur propre mémoire des « anciens ».
  • Les retrouvailles : Le cimetière, ce jour-là, était aussi un lieu de rencontres. On croisait des cousins éloignés, des voisins, des amis que l’on ne voyait qu’une fois par an. C’était l’occasion d’échanger quelques mots, de se donner des nouvelles, de renforcer le tissu social du quartier ou du village.

Le repas de la Toussaint : tradition et réconfort

Après le cimetière, la famille se retrouvait souvent pour un repas traditionnel. Ce repas n’était pas festif au sens strict, mais plutôt réconfortant. C’était l’occasion de prolonger le moment de réunion.

  • La convivialité : On dressait la table pour accueillir tous les membres de la famille, y compris ceux qui étaient venus de loin. C’était un moment de chaleur après le froid et l’humidité du cimetière.
  • Les plats : Les plats étaient souvent des classiques de la cuisine familiale : un bon pot-au-feu, une blanquette de veau, des légumes d’automne (courges, pommes de terre) mijotés. On arrosait le tout d’un vin simple et accompagné d’un pain de campagne.
  • La douceur : La pâtisserie, souvent un gâteau simple ou des tartes aux fruits de saison (pommes, poires), concluait le repas. C’était un moment de douceur pour adoucir le deuil.

Ce repas permettait de refermer la parenthèse du souvenir, de retrouver une forme de normalité après l’intensité émotionnelle de la visite au cimetière. Il rappelait que la vie continuait, malgré les absences.

Une spiritualité et une sociabilité profondes marquaient la Toussaint des années 50 au cours du mois de novembre. Les objets (chrysanthèmes, plaques, bougies) n’étaient pas que des symboles ; ils étaient des outils pour maintenir le lien, pour enseigner la mémoire et pour affronter la perte. Ces rituels, aujourd’hui en partie disparus ou transformés, sont les témoins d’une époque où le rapport à la mort était plus visible, plus intégré au cycle de la vie.


Foire aux questions (FAQ) autour de la France vintage et de la Toussaint

Q : D’où vient la tradition du chrysanthème pour la Toussaint ?

R : La tradition du chrysanthème pour la Toussaint est relativement récente en France. Elle s’est vraiment popularisée après la Première Guerre mondiale. Le président Raymond Poincaré, en 1919, a demandé que toutes les tombes des soldats morts pour la France soient fleuries avec cette fleur le jour de l’Armistice. Le chrysanthème, avec sa floraison tardive et sa résistance au froid, s’est alors imposé comme la fleur du souvenir pour le 1er novembre et, par extension, pour la Toussaint.

Q : Les couronnes de perles de verre étaient-elles très répandues ?

R : Oui, les couronnes de perles de verre étaient extrêmement populaires dans les années 50 et bien avant. Elles avaient l’avantage d’être inaltérables, contrairement aux fleurs naturelles. Chaque perle, souvent enfilée sur un fil de fer, formait des motifs complexes, parfois ornés d’une petite croix ou d’un ruban « À jamais dans nos cœurs ». Aujourd’hui, elles sont devenues des objets vintage recherchés pour leur beauté fragile et leur symbolique.

Encore à savoir sur la France vintage et la Toussaint

Q : Y avait-il des messes spécifiques à la Toussaint dans les années 50 ?

R : Oui, dans la France majoritairement catholique de l’époque, on célébrait des messes spéciales le jour de la Toussaint et surtout le 2 novembre, Jour des Morts. Ces offices étaient souvent très suivis, les églises étant remplies de fidèles venus prier pour le repos de l’âme de leurs défunts.

Q : Les enfants étaient-ils impliqués dans le rituel de la Toussaint ?

R : Absolument. L’implication des enfants était cruciale pour la transmission de la mémoire et des rituels. Ils accompagnaient leurs parents au cimetière, aidaient au nettoyage, portaient l’arrosoir, et écoutaient les récits familiaux sur les défunts. Ce n’était pas toujours une activité joyeuse, mais c’était une part essentielle de leur éducation.

Q : Les cimetières étaient-ils perçus différemment à l’époque ?

R : Oui, les cimetières, bien que lieux de deuil, étaient aussi des lieux de vie sociale ce jour-là. Ils étaient intégrés au tissu urbain ou rural et n’étaient pas vus comme des lieux à éviter. C’était un espace où l’on croisait du monde, un lieu de réunion et de « présence » des absents, bien plus qu’un simple espace de sépulture.