Il est des personnages qui, par leur simple évocation, ravivent une bouffée de nostalgie. Un générique entêtant, une voix nasillarde et attachante, des aventures rocambolesques au cœur d’un village peuplé d’animaux… Vous y êtes ? Bienvenue dans le monde merveilleux de Saturnin, le petit canard qui a marqué au fer rouge l’imaginaire de millions d’enfants dans les années 60 et 70. Plus qu’une simple émission pour la jeunesse, Les Aventures de Saturnin fut une véritable prouesse technique et un phénomène de société. Plongeons ensemble dans les coulisses de cette série culte, à la découverte de son créateur visionnaire, de ses secrets de tournage et de son héritage toujours vivace.
Aux origines d’un succès : Jean Tourane, le poète animalier
L’histoire de Saturnin est indissociable de celle de son créateur, Jean Tourane (de son vrai nom Jean Briel). Cet homme aux multiples talents, d’abord peintre puis photographe animalier reconnu, nourrissait une passion dévorante pour la mise en scène des animaux. Dès les années 50, il réalise plusieurs films dont le héros est déjà un canard, jetant les bases de ce qui deviendra son œuvre maîtresse. Tourane n’était pas un simple réalisateur ; il était un véritable dresseur, un architecte de mondes miniatures et un conteur d’histoires.
En 1964, il signe un contrat avec l’ORTF pour la production de 78 épisodes d’une série pour enfants. Le concept est simple en apparence mais follement ambitieux : raconter la vie d’un petit caneton au caractère bien trempé, Saturnin, et de ses compagnons dans un village où tous les animaux se comportent comme des humains. Ils conduisent des voitures, habitent dans de coquettes maisons, exercent des métiers et partent même au ski. La première diffusion a lieu le 18 novembre 1965, et le succès est immédiat. Les jeunes téléspectateurs, et leurs parents, tombent sous le charme de ce monde miniature empreint de poésie et d’humour.
Une prouesse technique : quand de vrais animaux deviennent acteurs
La grande particularité de la série, et ce qui en fait encore aujourd’hui un objet de fascination, est sa technique de réalisation. Contrairement à des séries comme Bonne nuit les petits ou Le Manège Enchanté qui utilisaient des marionnettes, Jean Tourane a fait le pari audacieux de ne travailler qu’avec de vrais animaux vivants. Chaque scène était une démonstration de patience et d’ingéniosité.
Le tournage était un véritable casse-tête logistique. Imaginez des dizaines d’animaux (canards, renards, belettes, chiens, chats, marmottes…) évoluant sur des plateaux miniatures construits à leur échelle. Pour le rôle principal de Saturnin, la production a dû utiliser pas moins d’une cinquantaine de canetons ! La raison ? La croissance fulgurante de ces petites bêtes. Un caneton perd son duvet jaune et change de morphologie en quelques semaines à peine. Il fallait donc constamment renouveler l’acteur principal pour garantir la continuité visuelle.
Jean Tourane et son équipe développèrent des trésors d’astuce pour diriger leurs acteurs à plumes et à poils. Des fils de nylon invisibles guidaient leurs mouvements. Les assistants plaçaient des appâts à des endroits stratégiques étaient pour attirer le regard des acteurs à plumes ! Enfin, on tournait les scènes image par image ou en accéléré pour créer l’illusion d’une conversation ou d’une action fluide. Cette technique, bien que révolutionnaire, soulèverait aujourd’hui de nombreuses questions sur le bien-être animal. Les conditions de tournage, sous la chaleur des projecteurs, étaient sans doute éprouvantes pour ces petites créatures.
Un univers riche et des personnages inoubliables
Le succès de Saturnin repose aussi sur la force de son univers et de sa galerie de personnages. Saturnin lui-même est un héros complexe. Loin d’être un caneton lisse et parfait, on le décrit comme « caractériel », un peu vantard, mais terriblement attachant et courageux. Sa voix unique, inimitable, est celle du chanteur et comédien Ricet Barrier, qui lui a insufflé cette personnalité si particulière. Le narrateur, quant à lui, n’était autre que le célèbre Robert Lamoureux, dont le ton malicieux accompagnait parfaitement les péripéties.
Autour de notre héros gravite tout un petit monde :
- Dame Belette : L’antagoniste récurrente, toujours prête à jouer de mauvais tours. Ses plans machiavéliques pour perturber la quiétude du village étaient une source inépuisable d’intrigues.
- Le chien policier, les renards, Jeannot Lapin, le professeur Popof (un cochon d’inde savant) : Toute une communauté d’amis qui participent aux aventures, apportant chacun leur touche d’humour et de caractère.
Les scénarios, souvent empreints d’une morale douce, abordaient des thèmes variés. Saturnin pouvait être tour à tour agent secret déjouant les complots de Dame Belette, explorateur, pompier, ou simplement un ami aidant ses voisins. Chaque épisode de 14 minutes était une invitation au rêve, une plongée dans un quotidien à la fois familier et extraordinaire.
héritage culturel et succès international du canard Saturnin
Les Aventures de Saturnin n’a pas seulement conquis le cœur des Français. La série a connu une carrière internationale étonnante. Tournée en couleurs (même si elle fut d’abord diffusée en noir et blanc sur l’ORTF), on a exporté la série dans de nombreux pays. Aux États-Unis, elle fut redoublée et rebaptisée « Dynamo Duck » dans les années 90, connaissant une seconde vie.
En France, son empreinte est durable. Le générique, interprété par Isabelle Aubret, est resté dans toutes les mémoires. La série a été adaptée en livres dans la fameuse Bibliothèque rose par Paul-Jacques Bonzon. Plus surprenant encore, le groupe de punk rock français Parabellum a même repris la chanson du générique sur l’un de ses albums, preuve de son statut d’icône transgénérationnelle.
Aujourd’hui, revoir un épisode de Saturnin est une expérience délicieusement vintage. On sourit devant le côté un peu kitsch des mises en scène, mais on reste admiratif devant le travail titanesque que représentait chaque seconde de film. Saturnin nous rappelle une époque où la télévision pour enfants était artisanale, poétique et prenait le temps de construire des mondes imaginaires avec une créativité folle. Une époque où un simple petit canard pouvait devenir, le temps d’un épisode, le plus grand des aventuriers.
FAQ sur Saturnin le canard
Quelle était la véritable technique d’animation de la série ?
Il ne s’agissait pas d’animation au sens traditionnel (dessin animé ou stop-motion) mais de tournage avec de véritables animaux vivants. Le réalisateur Jean Tourane et son équipe mettaient en scène les animaux dans des décors miniatures et utilisaient diverses astuces (fils, appâts, montage) pour créer l’illusion qu’ils parlaient et agissaient comme des humains.
Qui faisait la voix de Saturnin le canard ?
La voix française si caractéristique de Saturnin était celle du chanteur et comédien Ricet Barrier. Il a grandement contribué à forger le caractère espiègle et attachant du personnage. C’est le célèbre acteur et humoriste Robert Lamoureux qui assurait la narration de l’épisode.
Combien d’épisodes de Saturnin ont été produits ?
La série originale, Les Aventures de Saturnin, compte 78 épisodes de 14 minutes chacun. Ils ont été produits et diffusés entre 1965 et 1970 sur la première chaîne de l’ORTF.
La série a-t-elle eu du succès en dehors de la France ?
Oui, absolument. La série a été vendue dans de nombreux pays. Son succès le plus notable à l’étranger a eu lieu aux États-Unis, où elle a été rééditée et diffusée dans les années 1990 sous le titre « Dynamo Duck« .
Pourquoi plusieurs canards ont-ils joué le rôle de Saturnin ?
Au moins une cinquantaine de canetons différents ont tenu le rôle principal. En raison de leur croissance très rapide, les canetons perdaient leur duvet jaune et changeaient d’apparence en quelques semaines. Pour maintenir la cohérence du personnage à l’écran, il était nécessaire de les remplacer constamment par de nouveaux « acteurs ».
