L’année 1981 ne ressemble à aucune autre. Elle s’ouvre dans une France encore marquée par les années 70, une société à la fois moderne et conservatrice, dirigée par Valéry Giscard d’Estaing. Le pays traverse le second choc pétrolier. L’inflation est galopante et le chômage ne cesse de grimper. Pourtant, en quelques mois, un vent de « Changement » va tout balayer, ou du moins, en donner l’illusion.
Cette année est un paradoxe total. C’est l’avènement d’une politique sociale ambitieuse en France, au moment même où l’Amérique et le Royaume-Uni choisissent une voie radicalement libérale. Par ailleurs,c’est aussi l’explosion de la bande FM, qui libère les ondes, mais aussi le triomphe mondial d’un casse-tête hongrois. C’est encore la consécration du TGV, symbole de vitesse, et l’arrivée discrète d’une petite boîte beige qui va changer le monde : l’IBM PC. Pour comprendre le vintage des années 80, il faut d’abord comprendre l’onde de choc de 1981.
Le « changement » : Le 10 mai et l’état de grâce
Le cœur de 1981, pour un Français, c’est le 10 mai. Ce jour-là, François Mitterrand est élu Président de la République. Il devient le premier président socialiste de la Ve République. L’événement est sismique. Après 23 ans de pouvoir gaulliste puis giscardien, la gauche accède à la magistrature suprême. Le soir même, une foule en liesse se rassemble place de la Bastille, à Paris. L’ambiance est à l’euphorie, à l’espoir d’une nouvelle société, résumée par le slogan de campagne : « Changer la vie ».
Cet « état de grâce » se traduit très vite par des mesures législatives qui vont marquer durablement le quotidien. Robert Badinter, nouveau Garde des Sceaux, porte un combat historique : l’abolition de la peine de mort, qui est votée en octobre. C’est un acte fondateur de la nouvelle présidence. D’autres réformes sociales emblématiques suivent. Le gouvernement de Pierre Mauroy prépare la cinquième semaine de congés payés et la réduction du temps de travail à 39 heures (qui entreront en vigueur en 1982). L’âge de la retraite est abaissé à 60 ans.
Cette politique tranche radicalement avec le contexte international. Aux États-Unis, Ronald Reagan, investi en janvier, prône la dérégulation et le désengagement de l’État. Au Royaume-Uni, Margaret Thatcher applique une politique libérale similaire. 1981 voit donc la France s’engager dans une voie unique, une expérience de relance par la demande et de progrès social dans un Occident qui a déjà basculé vers la rigueur conservatrice.
Une révolution dans les oreilles : la libération des ondes
Si la politique change, la culture explose. L’événement majeur de 1981 dans ce domaine est la loi du 9 novembre qui légalise les « radios libres ». C’est la fin du monopole d’État sur la radiodiffusion, en place depuis 1945. Partout en France, des centaines de stations pirates, qui émettaient dans l’illégalité et se faisaient brouiller, peuvent enfin s’exprimer au grand jour.
Pour la jeunesse, c’est une révolution. On passe des programmes assez formatés de Radio France ou des grandes stations périphériques (RTL, Europe 1) à une mosaïque de sons nouveaux. Des stations comme NRJ (lancée en juillet), Carbone 14 ou Gilda « la radio qui pétille » envahissent la bande FM. Elles diffusent de la musique que l’on entend peu ailleurs : new wave (Depeche Mode, Eurythmics), funk, post-disco et le rock français qui triomphe.
Le groupe Téléphone est à son apogée avec l’album Au cœur de la nuit. Trust, plus engagé, fait résonner son « Antisocial ». C’est aussi l’année du premier album d’un certain Jean-Jacques Goldman. La bande FM devient la bande-son de la vie quotidienne, un espace de liberté, de débats et de découvertes musicales permanentes. À l’international, une autre révolution médiatique a lieu en août : le lancement de MTV aux États-Unis, qui fait du clip vidéo l’outil promotionnel numéro un.
La France à grande vitesse et le monde à la maison
1981 est aussi une année d’innovations techniques qui façonnent notre quotidien. Le 22 septembre, François Mitterrand inaugure le TGV (Train à Grande Vitesse). La rame orange vif, au design si typique de l’époque, devient un symbole de fierté nationale et de modernité. Relier Paris à Lyon en 2h40 (contre 4h auparavant) change la perception des distances et conforte la France dans son rôle de pionnière ferroviaire.
Dans les salons, un autre appareil devient l’objet de toutes les convoitises : le magnétoscope. La « guerre des formats » fait rage. Le VHS de JVC et le Betamax de Sony se livrent une bataille féroce. Posséder un magnétoscope en 1981, c’est entrer dans une nouvelle ère. On peut enfin enregistrer ses émissions favorites (les variétés de Michel Drucker, Droit de réponse de Michel Polac) et, surtout, louer des films au « vidéo-club » du coin. Le cinéma s’invite à la maison.
Pendant ce temps, une révolution bien plus profonde démarre discrètement. En août 1981, IBM lance son premier Personal Computer, le fameux IBM PC 5150. Il n’est pas le premier micro-ordinateur (l’Apple II existe déjà), mais il va imposer un standard qui dominera l’industrie pendant des décennies. En France, l’informatique grand public est encore balbutiante, mais le projet Minitel entre dans sa phase d’expérimentation active à Vélizy. L’ère numérique pointe le bout de son nez.
Icônes, jeux et évasions culturelles
De quoi s’amusent les enfants (et les adultes) en 1981 ? L’objet culte, l’icône absolue de l’année, est le Rubik’s Cube. Le casse-tête inventé par le Hongrois Ernő Rubik est un phénomène mondial. Il est partout : dans les cours de récréation, dans les bureaux, à la télévision. La « Cubomanie » est à son comble. Côté jouets, les univers de Goldorak (dont la diffusion s’achève mais dont l’influence est immense) et Albator dominent l’imaginaire, alimentés par l’émission Récré A2 de Dorothée.
Au cinéma, le public français plébiscite ses stars. Jean-Paul Belmondo triomphe dans Le Professionnel, avec la musique inoubliable d’Ennio Morricone. La comédie La Chèvre, avec le duo Pierre Richard et Gérard Depardieu, fait un carton. Mais un nouveau style émerge, le « cinéma du look », avec Diva de Jean-Jacques Beineix, qui fascine par son esthétique publicitaire et sa modernité froide.
À l’échelle mondiale, le cinéma vit le lancement d’une franchise mythique. En juin, Raiders of the Lost Ark (Les Aventuriers de l’arche perdue) présente au monde Indiana Jones. Le film de Steven Spielberg et George Lucas redéfinit le film d’aventure. Enfin, un événement captive des centaines de millions de téléspectateurs en juillet : le mariage du Prince Charles et de Lady Diana Spencer. Ce « mariage du siècle » à Londres est un moment d’évasion féerique, un conte de fées retransmis en direct, qui contraste étrangement avec les tensions économiques et la Guerre froide ambiante.
En conclusion, 1981 est une année d’espoirs immenses en France. C’est l’apogée d’un modèle social à la française, juste avant le « tournant de la rigueur » de 1983. C’est l’année où le son est devenu libre, où le train a pris une vitesse folle et où le monde numérique a frappé à notre porte. Une année de rupture, dont l’héritage définit encore largement notre époque.
Foire aux questions (FAQ) sur l’année 1981
Quelle était la mode dominante en 1981 ?
La mode de 1981 marque la transition nette des années 70 aux années 80. Les pattes d’éléphant disparaissent au profit du jean slim ou « cigarette ». C’est le début du culte de la silhouette en « V » : les épaulettes deviennent omniprésentes, même dans les T-shirts, pour élargir les épaules. Le « look » néo-romantique (influencé par des groupes comme Duran Duran ou Spandau Ballet) gagne en popularité. Le sportswear devient aussi une tenue de ville, avec des marques comme Ellesse, Fila ou Le Coq Sportif qui sont très en vue.
Qu’est-ce que le « prix unique du livre » voté en 1981 ?
C’est une loi emblématique de 1981, portée par le ministre de la Culture Jack Lang. La « loi Lang » impose un prix de vente unique pour les livres neufs, fixé par l’éditeur, que le détaillant (grande surface ou petite librairie) doit respecter (avec une remise maximale autorisée de 5%). L’objectif était de protéger les librairies indépendantes face à la concurrence des nouvelles grandes surfaces culturelles, comme la Fnac, qui pratiquaient des rabais importants.
Encore à savoir sur l’année 1981 en France
Quelles voitures étaient populaires sur les routes françaises en 1981 ?
Le parc automobile était dominé par les constructeurs français. La Renault 5 restait extrêmement populaire. Renault a lancé la Renault 9 en 1981, une berline trois volumes classique qui fut élue « Voiture de l’année 1982 ». Chez Peugeot, la 104 était en fin de carrière mais toujours présente, tandis que la 505 représentait le haut de gamme familial. Citroën pouvait compter sur la Visa et la GSA (évolution de la GS). La Talbot Solara, une berline familiale, connaissait aussi un certain succès.
Qu’écoutait-on comme musique française en 1981, à part le rock ?
Si le rock de Téléphone et Trust était très visible, la variété française se portait très bien. Michel Sardou restait un poids lourd avec « Les lacs du Connemara ». Francis Cabrel cartonnait avec « Carte postale ». Bernard Lavilliers sortait l’album Nuit d’amour. L’année 1981 est aussi celle du succès « Il est libre Max » d’Hervé Cristiani, une chanson qui capturait bien l’esprit de l’époque.
