Ce son. Quatre notes électroniques simples, mais immédiatement reconnaissables. Pour quiconque a grandi entre la fin des années 70 et les années 90, cette mélodie évoque immédiatement une soucoupe noire brillante, ornée de quatre larges touches de couleurs vives : une rouge, une bleue, une verte, une jaune. C’est Simon, le jeu qui a mis notre mémoire auditive et visuelle à rude épreuve. Bien plus qu’un simple jouet, Simon fut une révolution dans les foyers, un pionnier du jeu électronique vintage qui a su captiver les joueurs de tous âges. Plongeons dans l’histoire de cet objet culte, de sa conception par des génies du jeu vidéo à son statut d’icône vintage.
La naissance d’un génie électronique
L’histoire de Simon commence en 1978, mais ses racines plongent dans l’esprit de deux inventeurs visionnaires : Ralph H. Baer et Howard J. Morrison. Ce premier nom est loin d’être anodin pour les amateurs de jeux. Ralph Baer n’est autre que le « père des jeux vidéo », l’ingénieur de génie à qui l’on doit la toute première console de salon, la Magnavox Odyssey, en 1972. Son expertise dans le divertissement interactif est donc déjà bien établie.
L’idée de Simon leur est venue en observant un jeu d’arcade d’Atari baptisé Touch Me. Le concept était similaire, basé sur la mémorisation d’une séquence de sons. Cependant, Baer et Morrison jugent l’exécution du jeu d’arcade médiocre, avec des sons stridents et une interface peu engageante. Ils sont convaincus qu’ils peuvent faire beaucoup mieux. Leur vision est de créer une version domestique, plus petite, plus élégante, plus intelligente et surtout, plus agréable à l’oreille. Ils développent alors un prototype et le présentent au géant américain du jeu de société, Milton Bradley (MB). À une époque où le jeu électronique à domicile est encore balbutiant, MB prend le pari audacieux de lancer la production de cet étrange objet musical.
Comment ça marche ? anatomie d’un succès
Le génie de Simon réside dans sa simplicité déconcertante. Le jeu, posé sur une table, ressemble à un objet non identifié. Sa forme circulaire et ses grosses touches colorées intriguent. Une fois allumé, la magie opère. Simon allume l’une de ses quatre couleurs, émettant simultanément une note électronique distincte. Le joueur doit alors appuyer sur la touche qui vient de s’illuminer. Le jeu reproduit ensuite la même séquence, puis y ajoute une nouvelle couleur et un nouveau son. Le joueur doit mémoriser et reproduire cette chaîne qui s’allonge à chaque tour.
L’expérience est multisensorielle. Les quatre couleurs primaires sont vives et faciles à distinguer. Les sons, loin d’être stridents comme ceux de son ancêtre Touch Me, sont conçus pour être harmonieux. Ils correspondent aux notes d’une gamme de clairon (sol, do, mi, sol), ce qui rend la séquence musicale agréable, même lorsqu’elle s’accélère. La satisfaction d’appuyer sur la large touche et d’entendre le « bip » de confirmation est immédiate. En cas d’erreur, un son plus grave et dissonant, sorte de « buzz » de la défaite, met fin à la partie, poussant le joueur à recommencer immédiatement pour battre son record.
Sous son apparence de simple jouet, Simon cache une petite révolution technologique pour l’époque. Il est l’un des premiers jouets à intégrer un microprocesseur, le TMS1000 de Texas Instruments, lui permettant de générer les séquences aléatoires, de mémoriser le score et de gérer les sons et lumières.
Le phénomène Simon : la conquête des foyers
Pour lancer son nouveau produit phare, Milton Bradley voit les choses en grand. La présentation officielle de Simon n’a pas lieu dans un salon du jouet traditionnel, mais dans le lieu le plus branché de la planète à l’époque : la discothèque Studio 54 à New York, en mai 1978. Ce lancement glamour, au cœur de la culture disco, positionne immédiatement Simon non pas comme un jouet pour enfants, mais comme un objet de divertissement tendance pour toute la famille.
Le succès est fulgurant. Simon devient le cadeau incontournable de Noël 1978 aux États-Unis, se vendant à des millions d’exemplaires. La vague déferle rapidement sur l’Europe et la France, où MB assure la distribution. Il s’impose comme un classique des anniversaires et des soirées en famille durant toutes les années 80. Son succès s’explique par son universalité : pas de langue, pas de règles compliquées. Il est addictif en solo, mais aussi incroyablement social. Qui n’a jamais défié ses frères et sœurs ou ses amis pour savoir qui avait la meilleure mémoire ? Plusieurs modes de jeu permettaient d’ailleurs de jouer à plusieurs, chaque joueur se voyant attribuer une couleur.
Le nom « Simon » est lui-même un coup de génie marketing. Il fait directement référence au jeu d’enfant international « Jacques a dit », qui se dit « Simon Says » en anglais. L’idée est la même : il faut reproduire ce que « Simon » demande.
Simon, star de la culture populaire
Rapidement, le jeu Simon dépasse son statut de jouet pour devenir un véritable objet de la culture pop vintage. Son design et son son sont si reconnaissables qu’il fait de nombreuses apparitions au cinéma et à la télévision, ancrant son image dans l’imaginaire collectif. On se souvient notamment de la scène culte du film français Le Père Noël est une ordure (1982), où Josiane Balasko (Madame Musquin), coincée dans l’ascenseur de l’association « SOS Détresse Amitié », passe le temps en jouant frénétiquement avec son Simon.
Fort de ce succès, Milton Bradley déclinera le concept en de nombreuses variantes : le Super Simon (avec huit touches), le Simon Pocket (une version de poche), et bien d’autres éditions spéciales au fil des décennies. Pourtant, pour les puristes et les collectionneurs, le modèle original de 1978 reste l’unique, le vrai Simon. Aujourd’hui, un Simon vintage en état de marche est une pièce de choix pour tout amateur des années 80, un témoignage tangible d’une époque où le futur s’invitait dans nos salons sous la forme d’une soucoupe musicale et colorée.
FAQ : le jeu Simon vintage
Qui a inventé le jeu Simon ?
Le jeu Simon a été inventé en 1978 par Ralph H. Baer, considéré comme le « père du jeu vidéo », et Howard J. Morrison. Ils se sont inspirés d’un jeu d’arcade existant pour créer une version domestique plus sophistiquée et attrayante.
Quand le Simon original est-il sorti ?
Le Simon original a été présenté pour la première fois en mai 1978 à New York, et est devenu un immense succès commercial dès la saison de Noël de la même année. Il est arrivé en France peu de temps après.
Pourquoi le jeu s’appelle-t-il « Simon » ?
Son nom est une référence directe au jeu pour enfants « Simon Says » (l’équivalent de notre « Jacques a dit »). Dans ce jeu, les joueurs doivent obéir à un ordre uniquement s’il est précédé de la phrase « Simon says ». Le principe de répétition d’une instruction donnée par « Simon » est donc commun aux deux jeux.
Combien de couleurs y a-t-il sur un jeu Simon vintage ?
Le Simon vintage original possède quatre grandes touches de couleurs : une rouge, une bleue, une verte et une jaune. On associe chaque couleur à une note de musique spécifique.
Le jeu Simon est-il toujours vendu aujourd’hui ?
Oui, Hasbro (qui a racheté Milton Bradley) commercialise toujours le jeu Simon. Il a connu de nombreuses rééditions et variations de design au fil des ans, y compris des versions « tactiles » sans boutons ou des casques de réalité virtuelle. Cependant, le jeu original de 1978 reste le plus recherché par les collectionneurs.
