Les plaques émaillées publicitaires : un objet culte

You are currently viewing Les plaques émaillées publicitaires : un objet culte
Image par Falkenpost de Pixabay

Il suffit d’un vieux mur en bois, de quelques plaques émaillées publicitaires et d’une pelouse bien verte pour voyager dans le temps. L’image que vous voyez ici, c’est un condensé d’Amérique des années 40 à 60. Une époque où la publicité ne passait ni par les écrans, ni par les algorithmes, mais par les ondes radio, les pleines pages dans les journaux, les devantures de magasins et les murs des cafés, mais aussi par la rue, les garages, les stations-service, les drugstores… et surtout par ces fameuses enseignes en métal qui défient encore les décennies. Ces éléments publicitaires faisaient partie intégrante du décor urbain et rural, marquant les esprits bien plus durablement que certaines campagnes modernes.

La réclame, tout un art populaire

Avant d’être un objet de collection, chaque plaque avait une mission : attirer l’œil, séduire, rassurer. Ces enseignes faisaient office de vitrines, parfois bien plus parlantes que n’importe quel slogan moderne. Le rouge intense de Coca-Cola, la coquille jaune de Shell, le logo mythique de Ford ou les promesses d’un savon « Ivory »… tout y était, jusqu’au moindre détail, pour séduire le consommateur pressé ou curieux. Chaque enseigne racontait une promesse de modernité, de propreté, de performance ou de plaisir, selon le produit vanté.

Ces réclames s’imposaient aussi comme des œuvres visuelles. Les typographies manuscrites ou industrielles, les couleurs franches, les matériaux solides (émail, tôle emboutie, aluminium peint)… rien n’était laissé au hasard. Certaines réclames étaient réalisées par de véritables graphistes ou illustrateurs, qui signaient leurs créations comme des affiches de cinéma. À travers elles, on lit l’évolution du goût, des tendances graphiques, de la consommation de masse. Le passage du dessin à la photographie, l’apparition de mascottes et de slogans courts et percutants sont autant d’indices de cette époque charnière.

https://nosanneesvintage.fr/decoration-annee-70-laudace-retrouvee/L’apparition des néons dans les années 50 a complété ce paysage visuel avec de nouvelles formes lumineuses et dynamiques, mais les plaques émaillées ont gardé leur place dans les endroits plus modestes, sur les routes secondaires ou dans les bourgs. Ces objets, faits pour durer, résistaient aux intempéries et au temps, et c’est précisément pour cela qu’ils subsistent encore aujourd’hui. On en retrouvait beaucoup sur les murs encore dans les années 70 en France.

Un mur comme une fresque de la mémoire

Ce mur garni d’enseignes vintage a tout du musée en plein air. On y reconnaît des marques iconiques : Coca-Cola bien sûr, mais aussi Canada Dry, Texaco, RPM, Kayo, ou encore Sherwin-Williams avec son célèbre slogan « Cover the Earth ». On y devine aussi un barbier, un atelier mécanique, un distributeur téléphonique. C’est toute une époque qui renaît, celle des petites stations-service de campagne, des diners sur le bord de route, des vitrines à néons et des jukebox qui grésillent. Ce décor évoque à la fois la culture populaire et l’esthétique rétro qui séduit tant aujourd’hui.

Chaque plaque est marquée par le temps : taches de rouille, coins tordus, couleurs fanées. On pense par exemple au célèbre mur du musée automobile de Mulhouse, où une façade entière est décorée d’enseignes d’époque, recréant l’atmosphère d’une rue des années 50. Ce type de mise en scène permet de redonner vie à ces objets tout en racontant une histoire à chaque regard. Mais loin de nuire à leur charme, ces cicatrices du passé les rendent plus vivantes encore. Elles témoignent des années passées sous le soleil ou la pluie, des regards d’enfants émerveillés et des vitrines poussiéreuses de vieilles épiceries.

On les imagine exposées en façade, battues par le vent, le soleil, la pluie, témoins silencieux du quotidien. Elles étaient là, discrètement, chaque jour, et sont devenues, par leur résilience et leur authenticité, des objets d’admiration. Certaines villes nord-américaines ont même commencé à réinstaller des plaques restaurées dans leurs quartiers historiques. Comme un clin d’œil aux passants et un geste de mémoire urbaine.

De la brocante à l’objet d’art

Aujourd’hui, ces plaques émaillées publicitaires font le bonheur des collectionneurs. On les chine sur les marchés aux puces, dans les granges, chez les ferrailleurs. La grande braderie de Lille, les Puces du Canal à Lyon ou encore le marché de Saint-Ouen à Paris regorgent parfois de ces pépites pour amateurs de réclame ancienne. Certaines s’arrachent à prix d’or dans les ventes spécialisées. Une enseigne Coca-Cola d’époque bien conservée peut dépasser les 500 €, et bien plus pour des pièces rares (modèles régionaux, éditions limitées, collaborations oubliées…). Un exemplaire original d’une enseigne Michelin des années 1930 a récemment été adjugé à plus de 2 000 € lors d’une vente aux enchères à Drouot.

Mais au-delà de la valeur marchande, c’est surtout une quête de mémoire qui anime les passionnés. Accrocher une plaque Shell dans son garage, une réclame Canada Dry dans sa cuisine ou une enseigne de barbier dans son salon, c’est un peu comme inviter le passé à s’installer chez soi. C’est aussi une manière de décorer différemment, avec du sens et de l’histoire. Chaque pièce a un vécu, une provenance, parfois une anecdote attachée. Une façon de ralentir le temps dans un monde qui file trop vite.

Certains décorateurs professionnels utilisent même ces plaques dans des projets de cafés, bars à thème ou boutiques spécialisées. Elles donnent immédiatement une touche d’authenticité, un cachet rétro qui évoque la convivialité et l’héritage des lieux anciens. Les enseignes deviennent alors partie prenante d’un décor narratif, où chaque objet raconte une époque, une ambiance, une émotion.


Les plaques émaillées rares : perles de collection

Parmi toutes les plaques anciennes, certaines sont devenues de véritables graals pour les collectionneurs. Ce sont les pièces rares, produites en petite quantité ou retirées rapidement du marché, souvent pour des raisons politiques, commerciales ou techniques. Leur rareté, leur état de conservation et leur esthétique en font des objets extrêmement convoités.

Parmi les plus recherchées, on trouve les plaques Michelin à effigie de Bibendum en relief. Elles ont été produites entre les années 1910 et 1930. Certaines portent des mentions géographiques spécifiques ou des variantes régionales qui en font des exemplaires quasi uniques. Les plaques de garage « Total Aviation » ou « Antar Lubrifiants » dans leurs premières éditions sont également très prisées. Tout comme certaines réclames pour des marques disparues : chocolat Pupier, eaux minérales Saint-Yorre, ou encore les pharmacies Belladonna.

La rareté s’explique aussi par les matériaux : les premières plaques émaillées étaient fragiles et sensibles aux chocs. Beaucoup ont disparu avec le temps, détruites, rouillées ou simplement remplacées. Trouver une pièce dans son jus mais bien conservée est donc une affaire de patience… ou de chance !

Des collectionneurs expérimentés tiennent des inventaires non officiels et des catalogues qui recensent les modèles rares, leurs variantes, et parfois même leur prix estimé. Certains passionnés parcourent les foires internationales ou les ventes privées à la recherche de la pièce manquante. L’engouement est tel qu’un marché parallèle s’est développé autour de la reproduction, rendant indispensable l’expertise pour éviter les copies.

La minute Nos années Vintage

🛠 À savoir : l’émail était souvent utilisé pour sa résistance aux intempéries. Les plaques anciennes sont plus lourdes, légèrement bombées, et souvent estampillées au dos. Attention aux copies modernes, plus légères et brillantes. Vérifiez aussi les rivets, les bords et l’arrière de la plaque pour repérer les signes d’ancienneté authentiques.

📍 Où en voir ? : le Musée de la publicité à Paris, le musée des Arts et Métiers ou certains musées automobiles (comme celui de Lohéac en Bretagne) offrent de magnifiques collections d’enseignes d’époque. À l’international, le Neon Museum de Las Vegas est également un haut lieu de préservation de la publicité lumineuse rétro.

🎯 À collectionner ? : oui, mais avec prudence ! Privilégiez les pièces marquées, signées, avec une patine naturelle. Les thèmes « auto », « boissons », « stations-service » sont particulièrement recherchés.


Vous avez un mur vide ? Et si vous lui redonniez vie à l’américaine, avec quelques plaques soigneusement choisies, façon café rétro ou garage personnalisé ? Imaginez un coin lecture décoré d’enseignes anciennes, ou un pan de mur transformé en façade de vieille station-service. Un peu de tôle, beaucoup de charme… et l’âme du passé comme invitée d’honneur.