L’année 1977 est une charnière fascinante. Elle marque la fin d’une époque tout en annonçant les bouleversements à venir. La France vit alors sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Une période souvent qualifiée de « fin des Trente Glorieuses ». Les effets du premier choc pétrolier de 1973 se font durement sentir. Le Premier ministre Raymond Barre impose son fameux « plan Barre », un régime d’austérité économique visant à juguler l’inflation et le déficit commercial.
Pourtant, loin des bureaux ministériels, une énergie folle secoue la société. 1977 est l’année où la jeunesse explose en deux courants radicalement opposés : les paillettes du disco et la fureur du punk. C’est aussi l’année de l’inauguration du Centre Pompidou, un choc architectural en plein cœur de Paris. Pendant ce temps, les foyers français découvrent la couleur à la télévision et rêvent devant la Renault 5. Plongeons ensemble dans le quotidien, les sons et les images de cette année inoubliable.
Le quotidien des français sous l’austérité
En 1977, la vie à la maison change. Le confort moderne, symbole des années 60 et du début des années 70, se stabilise. La plupart des foyers urbains possèdent désormais un réfrigérateur, une machine à laver et, de plus en plus, un lave-vaisselle. La grande tendance décorative reste aux couleurs chaudes. Le orange, le marron et le vert avocat dominent les intérieurs. Les papiers peints arborent des motifs psychédéliques ou floraux très chargés. Le Formica règne en maître dans les cuisines, tandis que le salon se pare de meubles bas, souvent d’inspiration scandinave ou en plastique moulé (le fameux « design space age » qui s’attarde).
La télévision devient l’élément central du salon. Cette année-là, la couleur gagne du terrain, même si de nombreux foyers regardent encore sur des postes en noir et blanc. Les trois chaînes (TF1, Antenne 2, FR3) rythment les soirées. Les français se passionnent pour « Les jeux de 20 heures » sur FR3, présentés par Jacques Capelovici, alias Maître Capello. Les émissions de variétés, comme celles de Maritie et Gilbert Carpentier, sont des rendez-vous incontournables. Le samedi soir, on regarde « Apostrophes » de Bernard Pivot ou on se divertit devant les imitations de Thierry Le Luron.
Petites voitures et grands hypermarchés
Côté automobile, 1977 est l’âge d’or des petites voitures pratiques. La Renault 5, lancée en 1972, est la reine des villes, adulée pour son design moderne (ses boucliers en plastique) et ses couleurs vives (orange, vert pomme). Elle fait face à la Peugeot 104, sa grande rivale. L’austérité se voit aussi sur la route. Le gouvernement instaure la « super-vignette » pour les voitures de grosse cylindrée afin d’inciter aux économies d’énergie. Les limitations de vitesse, introduites après le choc pétrolier, sont désormais bien ancrées.
Faire ses courses en 1977 signifie souvent se rendre à l’hypermarché. Le modèle, né en France dans les années 60, explose. Carrefour, E.Leclerc ou Auchan deviennent les nouveaux temples de la consommation. On y trouve tout, de l’alimentaire à l’électroménager, sous le même toit. Cette tendance menace le petit commerce de centre-ville, qui commence à souffrir.
La culture entre paillettes et épingles à nourrice
1977 est peut-être l’année musicale la plus schizophrène de l’histoire. Deux mouvements que tout oppose se disputent la jeunesse.
D’un côté, le disco déferle comme un raz-de-marée. La fièvre du samedi soir (le film Saturday Night Fever sortira à la fin de l’année aux États-Unis, préparant le terrain pour 1978 en France) est déjà palpable. Les pistes de danse vibrent au son de Boney M. (« Ma Baker », « Belfast »), d’ABBA (« Knowing Me, Knowing You », « The Name of the Game ») et de Donna Summer. En France, Claude François est à l’apogée de sa carrière disco avec « Magnolias for Ever » ou « Alexandrie Alexandra » (qui sortira début 78, mais est enregistrée en 77). Sheila, devenue S.B. Devotion, cartonne avec « Love Me Baby ». Le disco est une célébration de la fête, des paillettes, de l’évasion.
De l’autre côté, une vague sombre et en colère arrive d’Angleterre : le punk. 1977 est l’année de l’album mythique Never Mind the Bollocks, Here’s the Sex Pistols. Le message est radicalement inverse : « No Future ». Le punk rejette le système, l’esthétique bourgeoise et le disco jugé superficiel. Le look est agressif : cheveux hérissés, cuir, épingles à nourrice. En France, le mouvement est encore confidentiel mais s’implante solidement. Le groupe Stinky Toys fait parler de lui. Surtout, un jeune groupe se forme cette année-là autour de Jean-Louis Aubert et Louis Bertignac : Téléphone. Ils donnent leur premier concert en novembre 1977 et vont définir le rock français pour la décennie à venir.
Entre ces deux extrêmes, la chanson française se porte à merveille. Renaud, encore en blouson de cuir, émeut avec « Laisse béton ». Alain Souchon chante la mélancolie moderne avec « Allô maman bobo » et « Jamais content ».
Un monde en mutation : événements et innovations en 1977
L’année 1977 n’est pas seulement musicale, elle est aussi marquée par des événements majeurs.
À Paris, le 31 janvier, le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou (Beaubourg) est inauguré. C’est un choc monumental. Les architectes Renzo Piano et Richard Rogers livrent un bâtiment « à l’envers », avec ses tuyauteries, escalators et structures métalliques apparents et colorés. Les critiques sont féroces. On parle de « raffinerie », d' »usine à gaz » ou de « hangar ». Pourtant, le succès populaire est immédiat. Le centre devient un symbole de la modernité et de la démocratisation de l’accès à l’art contemporain.
Au cinéma, un événement va changer la face du divertissement mondial. En mai 1977, un film de science-fiction au budget modeste sort aux États-Unis : Star Wars (La Guerre des étoiles). Le film de George Lucas devient un phénomène de société planétaire, redéfinissant le blockbuster et la culture populaire. En France, les spectateurs découvrent aussi L’Homme qui aimait les femmes de François Truffaut ou Cet obscur objet du désir de Luis Buñuel.
Les jeux et des jouets marquants de 1977
Côté jeux et jouets, les enfants de 1977 découvrent les Playmobil. Ces petites figurines en plastique, avec leur sourire figé et leurs accessoires, envahissent les chambres d’enfants et stimulent l’imagination. C’est aussi le début de l’ère des jeux vidéo à domicile. Après le succès de Pong dans les cafés, les premières consoles de salon (comme l’Atari 2600, lancée aux USA) commencent à apparaître, bien qu’elles ne deviennent courantes en France que quelques années plus tard.
L’année 1977 est aussi marquée par des disparitions. Le 16 août, le monde est stupéfait d’apprendre la mort d’Elvis Presley, le King du Rock ‘n’ roll. Sa disparition marque la fin d’une certaine Amérique, celle de l’insouciance des années 50 et 60.
Enfin, 1977 regarde vers l’espace. La NASA lance les sondes Voyager 1 et Voyager 2. Elles emportent avec elles le « Golden Record », une sorte de bouteille à la mer cosmique contenant des sons et des images de la Terre, destinée à d’éventuelles civilisations extraterrestres. Un geste d’optimisme technologique qui contraste fortement avec le pessimisme économique ambiant.
En conclusion, 1977 est une année complexe. Elle est prise en étau entre la nostalgie d’une prospérité perdue et l’anxiété d’un avenir incertain, marqué par le chômage de masse qui s’installe. Mais c’est aussi une année d’une créativité incroyable, qui a vu naître simultanément le meilleur de la pop festive et la rébellion la plus radicale du rock. C’est le début de l’architecture post-moderne avec Beaubourg et l’avènement de la pop culture moderne avec Star Wars. Une année grise en économie, mais haute en couleur dans la culture.
Foire aux questions (FAQ) sur l’année 1977
Quelle était la mode vestimentaire en 1977 ?
La mode de 1977 était incroyablement diversifiée. D’un côté, l’influence « hippie chic » des années précédentes persistait avec les pantalons « patte d’eph » (pattes d’éléphant), les blouses fluides, les motifs floraux et les sabots. De l’autre, le disco imposait le glamour : pantalons moulants en satin, chemises largement ouvertes (pour les hommes), robes pailletées, combinaisons et chaussures à plateforme. Enfin, le mouvement punk a introduit son anti-mode : jeans déchirés, T-shirts lacérés, épingles à nourrice, cuir et bottes type « combat boots« .
Qu’est-ce que le « plan Barre » de 1977 ?
Le « plan Barre » était un programme de rigueur économique lancé par le Premier ministre Raymond Barre en 1976, mais dont les effets se sont pleinement fait sentir en 1977. Face à la montée de l’inflation (près de 10%) et du chômage suite au choc pétrolier, ce plan visait à « assainir » l’économie. Il comprenait un blocage des prix et des salaires, une augmentation de la fiscalité (notamment la vignette automobile) et une politique de maîtrise des dépenses publiques. Il symbolise la fin de « l’insouciance » économique des Trente Glorieuses.
Encore à savoir sur l’année 1977 en France
Quels étaient les jouets stars de Noël 1977 en France ?
Les Playmobil étaient en pleine ascension et figuraient en tête de nombreuses listes de Noël. Les figurines articulées (comme les G.I. Joe ou les poupées Barbie) restaient très populaires. C’était aussi le début des jeux de société complexes et des premiers jeux électroniques. Les « boîtes de chimie » ou les circuits de voitures électriques (type Scalextric) étaient également des classiques très appréciés sous le sapin.
Y avait-il déjà des préoccupations écologiques en 1977 ?
Oui, timidement. La crise pétrolière de 1973 avait brutalement rappelé la dépendance aux énergies fossiles. En France, cela s’est traduit par des mesures comme les limitations de vitesse ou la « chasse au gaspi » (gaspillage). 1977 est aussi l’année où le mouvement antinucléaire prend de l’ampleur, notamment avec la grande manifestation contre le surgénérateur de Creys-Malville en juillet, qui fut marquée par la mort d’un manifestant. L’écologie politique, bien que minoritaire, commençait à émerger.
