L’année 1974 ne ressemble à aucune autre. Elle s’ouvre sur une France encore bercée par les illusions des Trente Glorieuses mais se referme sur un pays entré de plain-pied dans la modernité et la crise. De l’Élysée aux stations-service, des bancs de l’Assemblée Nationale aux salles de cinéma, cette année fut celle des adieux et des commencements. Nous vous proposons une immersion totale dans cette année pivot, où le vintage que nous chérissons aujourd’hui était alors le symbole d’un futur incertain.
Un paysage politique bouleversé
Le 2 avril 1974, la France apprend avec stupeur le décès de son président, Georges Pompidou. Cette disparition soudaine met fin à une ère gaulliste et ouvre une période d’intense fébrilité politique. Une campagne présidentielle éclair s’organise, révélant les fractures profondes du pays. Elle oppose principalement le candidat de la gauche unie, François Mitterrand, et le jeune et moderne ministre de l’Économie, Valéry Giscard d’Estaing.
Leur duel culmine lors d’un débat télévisé historique, le premier du genre. Une phrase, lancée par VGE à son adversaire, entre dans la légende : « Vous n’avez pas le monopole du cœur ». Cette formule marque les esprits et symbolise une nouvelle façon de communiquer en politique. Le 19 mai, Valéry Giscard d’Estaing est élu plus jeune président de la République, promettant le « changement dans la continuité ». Son style, plus détendu et plus proche des gens, tranche avec la solennité de ses prédécesseurs. L’image du président jouant de l’accordéon ou s’invitant à dîner chez des Français moyens illustre cette volonté de dépoussiérer la fonction présidentielle.
La fin de l’insouciance économique
Le changement politique se déroule sur fond de crise économique majeure. Le premier choc pétrolier, déclenché à l’automne 1973, produit tous ses effets en 1974. Le prix du baril de pétrole a quadruplé, et la France, très dépendante, doit faire face à une inflation galopante. Le gouvernement lance alors une politique d’austérité et popularise une expression qui marquera toute une génération : « la chasse au gaspi ».
Des mesures très concrètes transforment la vie quotidienne. La vitesse sur les autoroutes est limitée à 120 km/h. Les programmes de télévision s’arrêtent plus tôt pour économiser l’électricité. Le gouvernement incite les Français à baisser le chauffage et à éteindre les lumières inutiles. L’idée de la finitude des ressources s’installe durablement dans les esprits. Cette prise de conscience sonne le glas de l’insouciance des Trente Glorieuses. Le chômage, jusqu’alors résiduel, commence sa lente et inexorable ascension.
Des avancées sociétales majeures
Malgré le contexte économique morose, 1974 est une année de progrès social fulgurant. Le nouveau président abaisse l’âge de la majorité et du droit de vote de 21 à 18 ans. Cette décision reconnaît l’aspiration à l’émancipation de la jeunesse post-mai 68. Des millions de jeunes peuvent désormais voter, signer un contrat ou passer leur permis de conduire sans autorisation parentale.
Mais la plus grande révolution sociétale de l’année est portée par une femme d’exception : Simone Veil. Nommée ministre de la Santé, elle défend avec un courage inouï le projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Pendant trois jours et trois nuits, à la tribune de l’Assemblée Nationale, elle fait face à un déferlement de haine et d’attaques d’une violence rare. Son discours, empreint de dignité et de fermeté, reste l’un des plus grands moments de l’histoire parlementaire française. La loi est finalement votée, offrant aux femmes le droit de disposer de leur corps.
La culture populaire, miroir d’une époque
La bande-son de 1974 est un mélange de variété française triomphante et de pop internationale. Claude François fait pleurer la France avec Le téléphone pleure. Dalida connaît un succès européen avec Gigi l’amoroso. Michel Sardou chante Une fille aux yeux clairs, tandis que le groupe suédois ABBA remporte l’Eurovision avec son tube planétaire Waterloo.
Le cinéma, lui, explore les tabous et la libération des mœurs. Deux films scandaleux marquent l’année. Les Valseuses de Bertrand Blier, avec le trio Dewaere, Depardieu et Miou-Miou, choque par sa crudité et sa liberté de ton. Le film érotique Emmanuelle de Just Jaeckin attire des millions de spectateurs, fascinés par ses images sulfureuses et exotiques. Dans un registre plus léger, La Gifle, avec Lino Ventura et la jeune Isabelle Adjani, rencontre un immense succès populaire.
À la télévision, une révolution se prépare. L’ORTF, qui détient le monopole d’État sur l’audiovisuel, vit ses dernières heures. Sa dissolution est actée en août pour donner naissance, au 1er janvier 1975, à trois chaînes distinctes : TF1, Antenne 2 et FR3. C’est aussi en septembre 1974 que débarque sur la première chaîne un dinosaure orange et sympathique, héros de L’Île aux enfants. Casimir et son gloubi-boulga s’apprêtent à devenir les idoles de toute une génération.
Le quotidien des Français en 1974
À quoi ressemblait la vie de tous les jours cette année-là ? La mode est audacieuse et colorée. Les pantalons à pattes d’éléphant, ou « pattes d’eph », sont omniprésents, pour les hommes comme pour les femmes. On les porte avec des chemises cintrées aux imprimés psychédéliques et aux cols immenses, surnommés « cols pelle à tarte ». Le sous-pull en acrylique est un basique, souvent de couleur orange, marron ou vert bouteille.
Sur les routes, deux voitures légendaires font leur apparition. Volkswagen lance la Golf, dessinée par Giugiaro. Son design carré et fonctionnel va définir le standard de la voiture compacte pour les décennies à venir. Citroën présente la CX, qui succède à la mythique DS. Avec sa ligne futuriste et sa suspension hydropneumatique, elle incarne le confort et l’innovation à la française. Elles rejoignent les populaires Renault 5 et Peugeot 504 sur les routes de France.
Dans les chambres d’enfants, une nouveauté venue d’Allemagne va tout changer. En 1974, l’entreprise Geobra Brandstätter présente au salon du jouet de Nuremberg une petite figurine en plastique de 7,5 cm : le Playmobil. Le succès est immédiat. Le chevalier, l’indien et l’ouvrier de chantier deviennent les héros de millions d’histoires. Ils côtoient les poupées Bella, les circuits de voitures électriques et les indémodables petites voitures Majorette.
FAQ : l’année 1974 en questions
Quel a été l’événement politique le plus marquant de 1974 en France ?
Sans hésiter, l’élection présidentielle anticipée suite au décès de Georges Pompidou. L’élection de Valéry Giscard d’Estaing, un non-gaulliste, a marqué une rupture stylistique et politique majeure, symbolisant une volonté de modernisation du pays.
Comment le choc pétrolier a-t-il concrètement affecté la vie des Français ?
Le choc pétrolier a introduit la notion d’économie d’énergie dans tous les foyers. Cela s’est traduit par des limitations de vitesse, des incitations à baisser le chauffage, des coupures de programmes télévisés et une hausse générale des prix (inflation), marquant la fin de la période d’abondance des Trente Glorieuses.
Quelle avancée majeure pour les droits des femmes a eu lieu en 1974 ?
L’année 1974 est indissociable du vote de la « loi Veil », qui a dépénalisé l’interruption volontaire de grossesse (IVG). C’est une victoire historique pour le droit des femmes à disposer de leur corps, obtenue après des débats parlementaires d’une violence extrême.
Quels objets ou véhicules emblématiques de 1974 sont aujourd’hui très recherchés par les collectionneurs ?
Les premières versions de la Volkswagen Golf (Golf 1) et de la Citroën CX sont des pièces de collection très prisées. Côté design, les meubles en plastique orange ou marron, les lampes à lave et les services de table Arcopal sont des symboles de l’époque. Enfin, les premières boîtes de Playmobil de 1974 sont de véritables trésors pour les collectionneurs de jouets.
Quelle émission de télévision pour enfants a débuté en 1974 ?
C’est en septembre 1974 que les enfants français ont découvert L’Île aux enfants et son héros, le monstre gentil Casimir. L’émission et son « gloubi-boulga » sont devenus cultes et symbolisent la télévision jeunesse des années 1970 et du début des années 1980.
