Creature from the Black Lagoon : histoire d’un flipper

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En 1992, près de quarante ans après la sortie du film qui terrifia l’Amérique, la société Bally ressuscite le monstre du lagon noir. Mais elle ne le fait pas sur grand écran. La créature revient sous une forme inattendue : celle d’un flipper. Loin d’être un simple produit dérivé, le Creature from the Black Lagoon (souvent abrégé « CFTBL ») devient immédiatement un classique. Une machine qui transcende son statut de jeu pour devenir une véritable expérience immersive. Conçu par le génial John Trudeau, ce flipper n’est pas seulement un hommage au film de 1954. En quelque sorte, c’est une lettre d’amour à toute une époque. Il nous transporte au cœur d’un drive-in des années 50. Avec ses flirts, son rock ‘n’ roll et, bien sûr, un monstre qui attend son heure.

Un concept brillant : le drive-in

Là où d’autres flippers se seraient contentés de plaquer des images du film sur un plateau, l’équipe de Bally a eu une idée de génie. Le thème principal n’est pas le film lui-même, mais le fait de regarder le film dans un drive-in. Le joueur n’incarne pas un explorateur en Amazonie. Mais un jeune homme ou une jeune femme des années 50, en plein rendez-vous galant. La caisse de la machine est décorée de couples dans leurs voitures, le fronton (la vitre verticale) représente l’écran du drive-in avec la créature menaçante. Toute l’ambiance sonore est conçue pour nous plonger dans cette atmosphère.

La bande-son est un élément central de cette immersion. Elle mêle des classiques du rock ‘n’ roll des fifties, comme « Rock Around the Clock » de Bill Haley & His Comets ou « Get a Job » de The Silhouettes, à des thèmes musicaux angoissants directement inspirés du film. Cette dualité est parfaite : le joueur est constamment tiraillé entre l’ambiance légère du rendez-vous et la tension du film d’horreur qui se déroule à l’écran. C’est ce concept, riche et original, qui constitue la première grande réussite de ce flipper.

Un plateau de jeu riche et innovant

Le concepteur, John « Dr. Flash » Trudeau, a imaginé un plateau de jeu qui raconte une histoire. Chaque rampe, chaque cible, chaque couloir a un rôle à jouer dans le scénario du drive-in. Le but principal est d’épeler le mot F-I-L-M pour déclencher le mode Multiball, le moment le plus excitant du jeu. Pour cela, le joueur doit accomplir plusieurs missions.

  • Le Snack Bar : Au centre du plateau se trouve une éjection qui représente le stand de friandises du drive-in. Le joueur doit viser cette cible pour commander des popcorns, des sodas et des hot-dogs (affichés sur l’écran Dot Matrix) et débloquer des bonus.
  • Les rampes : Deux grandes rampes fluides dominent le jeu. La rampe de gauche, en forme de tourbillon (« Whirlpool »), est particulièrement satisfaisante à emprunter. Elles permettent d’augmenter le score et de progresser dans les objectifs.
  • Les couloirs K-I-S-S : Sur la gauche, une série de cibles épelle le mot « KISS ». Les compléter est une des étapes pour allumer la lettre « F » du mot FILM, une allusion directe aux flirts sur la banquette arrière.

Le jeu est un équilibre parfait entre des tirs techniques et un fun immédiat. Il est à la fois accessible pour les débutants, qui prendront plaisir à simplement viser les rampes lumineuses, et extrêmement profond pour les joueurs confirmés. Ces derniers chercheront à maîtriser toutes les subtilités des règles pour atteindre le « Wizard Mode », l’objectif final du jeu.

La magie de l’hologramme : une prouesse technique

La véritable attraction, la pièce de résistance du Creature from the Black Lagoon, est sans conteste son hologramme. Lorsque le joueur active enfin le mode Multiball, les lumières du drive-in sur le plateau s’éteignent. Dans le même temps, la musique devient angoissante, et une lumière verte s’allume au centre du jeu. Sous la surface du plateau, comme surgissant des profondeurs du lagon, la créature apparaît.

Cet effet, saisissant pour l’époque, n’est pas un simple écran vidéo. Il s’agit d’un véritable hologramme de la créature, fabriqué par la société Polaroid. Placé sous le plateau, il est éclairé par une lampe et un système de miroir motorisé. Ce miroir oscille de gauche à droite, donnant l’impression que la créature, baignée d’une lueur verdâtre, bouge et observe le joueur. Un second moteur peut même légèrement déformer l’hologramme pour accentuer l’effet de mouvement.

Cette innovation était spectaculaire en 1992. Elle reste aujourd’hui un des « toys » (gadgets de plateau) les plus mémorables de l’histoire du flipper. C’est le moment que tous les joueurs attendent. Celui où le jeu bascule de l’ambiance drive-in à la pure action du film d’horreur. Malheureusement, cet hologramme est aussi le talon d’Achille de la machine. Avec le temps, il est très sensible à la chaleur de la lampe et aux rayons UV. D’ailleurs, de nombreux hologrammes d’origine ont perdu de leur superbe, devenant sombres ou bleutés. Leur restauration est un défi pour les collectionneurs.

Un objet de collection très convoité

Produit à 7 841 exemplaires, le Creature from the Black Lagoon n’est pas le flipper le plus rare. Cependant, sa popularité n’a jamais faibli, bien au contraire. Son thème universel, son gameplay addictif et son hologramme unique en font l’un des modèles les plus recherchés sur le marché de la collection.

Trouver un exemplaire en parfait état, avec un hologramme vif et des plastiques de décor non abîmés, est de plus en plus difficile. Sa cote n’a cessé de grimper au fil des années. On pouvait en trouver pour quelques milliers d’euros il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des modèles en très bon état se négocier entre 5 000 et plus de 8 000 euros. Voire davantage pour des exemplaires entièrement restaurés.

Cette machine représente le sommet de ce que Bally/Williams (les deux entités ayant fusionné) pouvait produire au début des années 90. Une période considérée par beaucoup comme l’âge d’or du flipper. Son succès commercial et critique a prouvé qu’une licence bien utilisée, portée par un concept original et des innovations techniques, pouvait donner naissance à un chef-d’œuvre intemporel.


Foire aux questions (FAQ) autour du flipper Creature from the Black Lagoon

Q : Qui a conçu le flipper Creature from the Black Lagoon ?

R : Le concepteur principal (game designer) est John Trudeau. C’est une figure connue dans le monde du flipper sous le pseudonyme « Dr. Flash ». Le dessin du plateau et de la caisse est l’œuvre de Kevin O’Connor, et la partie logicielle a été développée par Jeff Johnson.

Q : L’hologramme est-il le seul « toy » notable sur ce flipper ?

R : Bien que l’hologramme soit la star, le flipper possède d’autres éléments intéressants. La rampe « Whirlpool » à gauche est particulièrement bien conçue, offrant une boucle rapide et gratifiante. Le jeu dispose également d’un mode vidéo sur l’écran Dot Matrix. C’est un mini-jeu simple mais amusant qui ajoute à la variété.

Encore à savoir sur le flipper Creature from the Black Lagoon

Q : Pourquoi le flipper est-il si populaire auprès des collectionneurs ?

R : Sa popularité repose sur une combinaison parfaite de facteurs : un thème extrêmement bien exécuté et nostalgique (le drive-in des années 50), une licence de film culte, une bande-son entraînante, un gameplay à la fois fun et technique, et bien sûr, une innovation majeure avec l’hologramme qui le rend unique. C’est une machine qui plaît autant aux joueurs occasionnels qu’aux collectionneurs avertis.

Q : Est-il facile de trouver des pièces pour restaurer ce flipper ?

R : Oui et non. De nombreuses pièces mécaniques et électroniques sont communes à d’autres flippers de la génération WPC (Williams Pinball Controller). De ce fait, elles sont donc relativement faciles à trouver. En revanche, les pièces spécifiques comme les plastiques de décor, les rampes et surtout l’hologramme original en bon état sont rares et très chères. Des reproductions de haute qualité existent cependant pour la plupart des éléments cosmétiques.

Q : Peut-on jouer à ce flipper en version numérique ?

R : Oui, le Creature from the Black Lagoon a été adapté dans plusieurs jeux vidéo de simulation de flipper, comme The Pinball Arcade ou Williams Pinball Classics. Bien que ces versions reproduisent fidèlement le gameplay, elles peinent à retranscrire la sensation physique et la magie de voir l’hologramme s’illuminer pour de vrai.