La Dauphine Renault est bien plus qu’une voiture. Elle incarne une époque, celle des Trente Glorieuses, où la France se reconstruit, se modernise et rêve de mobilité. Le marché automobile français des années 50 connaît alors une forte croissance : les constructeurs cherchent à motoriser les classes moyennes, et l’automobile devient peu à peu un bien accessible, même pour les familles modestes. Produite entre 1956 et 1967, la Dauphine a marqué l’histoire automobile française et la vie quotidienne de millions de familles. Retour sur ce petit bijou de la route, symbole de liberté, d’ascension sociale et de modernité.
Une voiture pensée pour tous
Renault lance la Dauphine en 1956. Elle succède à la 4CV, avec l’ambition d’offrir une voiture plus grande, plus confortable et tout aussi économique. Le pari est réussi. Avec ses lignes douces, ses phares ronds et son allure trapue, elle séduit immédiatement. C’est une voiture de son temps : accessible, élégante, et fonctionnelle.
La Dauphine est équipée d’un moteur de 845 cm³, placé à l’arrière. Elle développe environ 30 chevaux et atteint 115 km/h. Ce n’est pas une bête de course, mais elle est robuste, pratique et abordable. Elle propose également une boîte à trois vitesses, simple à manier, idéale pour les conducteurs peu expérimentés.
Un succès populaire fulgurant
Dès son lancement, la Dauphine rencontre un succès impressionnant. Elle devient la voiture familiale par excellence. Facile à conduire, peu gourmande en carburant, elle est idéale pour les petits trajets urbains comme pour les escapades dominicales. Une publicité de l’époque la présentait comme « la voiture qui vous suit partout, même en vacances ! ». De nombreuses familles se souviennent de leurs premiers départs vers la mer à son bord, souvent accompagnés du sempiternel « Quand est-ce qu’on arrive ? » lancé depuis la banquette arrière.
Entre 1956 et 1967, plus de deux millions d’exemplaires sont produits. Elle est même exportée à l’international, notamment aux États-Unis, en Italie, en Espagne, au Mexique et au Brésil. Aux USA, elle est commercialisée par le biais d’un réseau de concessionnaires locaux, mais souffre face à la concurrence des voitures américaines plus puissantes. Malgré cela, elle s’exporte bien et devient un symbole de l’expertise française.
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La vie avec une Dauphine dans les années 50-60
À la maison, la Dauphine symbolise un certain confort moderne. Dans les nouveaux lotissements, elle trône devant les pavillons neufs. Les enfants montent à l’arrière, les courses s’entassent dans le coffre. Le dimanche, on part à la campagne ou à la mer, parfois à plus de six dans l’habitacle.
Les routes sont encore en partie pavées, et les autoroutes à peine en construction. À cette époque, acheter une voiture reste un effort financier important pour une famille ouvrière ou employée. La Dauphine, vendue environ 640 000 anciens francs en 1958 (soit plusieurs mois de salaire), représente un rêve accessible mais ambitieux, synonyme d’ascension sociale. Pourtant, avec sa suspension souple et son intérieur simple mais soigné, la Dauphine offre un vrai confort.
Les couleurs pastel de la carrosserie (bleu glacier, beige sable, vert tilleul) égayent les rues grises de l’après-guerre. Elle devient une image familière, un repère visuel et affectif. Elle fait partie du décor urbain et rural, de la vie des quartiers populaires aux petites routes de campagne.
Un symbole des loisirs populaires
Avec la Dauphine, les loisirs prennent une autre dimension. Elle permet d’aller au cinéma en famille, de visiter les grands-parents à la campagne, d’aller pique-niquer le dimanche. Le coffre contient la nappe à carreaux, le réchaud à gaz et la glacière. À l’époque, le pique-nique automobile devient une tradition dominicale bien ancrée.
La voiture accompagne aussi les vacances d’été : direction la Méditerranée ou les Alpes, avec les enfants entassés à l’arrière, les valises sur la galerie et la carte Michelin sur les genoux du passager avant. Les aires d’arrêt improvisées, les pauses sandwichs, et les jeux sur les bas-côtés complètent ce tableau typique des congés payés.
Les variantes et les modèles spéciaux
Renault propose plusieurs versions de la Dauphine. La plus célèbre reste la Dauphine Gordini, dotée d’un moteur de 36 chevaux (contre 30 pour le modèle standard) et d’un esprit plus sportif. Elle se distingue aussi par une boîte de vitesses plus nerveuse et une tenue de route améliorée. Elle séduit une clientèle plus jeune, avide de sensations. Les bandes décoratives sur la carrosserie et l’instrumentation enrichie la différencient visuellement.
La Dauphine Ondine, plus luxueuse, propose une finition intérieure soignée, des équipements supplémentaires comme des enjoliveurs, une sellerie de qualité supérieure et des vitres de custode ouvrantes. Tandis que la Gordini mise sur la performance, l’Ondine valorise le confort et l’élégance. Elle cible les jeunes couples urbains, sensibles au raffinement et à l’image de marque.
La Dauphine au travail
La Dauphine n’est pas qu’un véhicule de loisir. Elle est aussi très présente dans la vie professionnelle. Elle sert de voiture de service, de véhicule pour les artisans, les médecins ou les représentants de commerce. Sa taille compacte et sa fiabilité en font un outil de travail précieux. Elle est aussi utilisée par les administrations et les postes.
Dans les villes, les taxis en Dauphine se multiplient. À la campagne, les instituteurs ou les infirmières libérales l’utilisent pour leurs tournées. Elle devient un véritable outil de mobilité dans les zones peu desservies par les transports en commun.
La fin d’une époque
À la fin des années 60, la Dauphine commence à montrer ses limites. Moins performante, un peu dépassée face à la concurrence, elle cède la place à la Renault 8. Les nouvelles exigences du marché, le besoin de sécurité accrue et de motorisations plus puissantes ont raison d’elle. Pourtant, elle reste dans le cœur des Français comme une voiture attachante, douce et simple.
Aujourd’hui, elle est un objet de collection. Les passionnés la restaurent avec soin, et les rassemblements de voitures anciennes lui rendent hommage. Elle est aussi un sujet d’étude pour les jeunes générations de mécaniciens ou d’historiens de l’automobile. On la retrouve parfois dans des séries télé, des films ou des publicités rétro.
FAQ : Tout savoir sur la Dauphine Renault
Quel est le prix d’une Dauphine Renault aujourd’hui ?
Le prix dépend de l’état et du modèle. Comptez entre 3 000 € pour une version à restaurer et 12 000 € pour une Gordini en excellent état. Certaines Ondine parfaitement restaurées peuvent atteindre 14 000 €.
Combien d’exemplaires ont été produits ?
Environ 2,15 millions, dont plus de 500 000 à l’international. C’est l’un des modèles les plus produits par Renault à l’époque.
Pourquoi le moteur est-il à l’arrière ?
Ce choix technique permettait un meilleur espace à l’avant et une meilleure motricité, surtout sur routes glissantes. Il facilitait aussi l’entretien pour les conducteurs avertis.
Existe-t-il des clubs de collectionneurs ?
Oui, de nombreux clubs en France et en Europe rassemblent les amateurs de Dauphine. Certains organisent des rallyes et des expositions spécifiques à ce modèle.
Est-elle facile à entretenir ?
Les pièces sont encore disponibles et les moteurs simples à réparer. Un bon garagiste ou un passionné peut l’entretenir sans souci. Des tutoriels et manuels techniques circulent aussi parmi les collectionneurs.
Quelle est la consommation moyenne ?
Autour de 7 litres aux 100 km, ce qui était très raisonnable pour l’époque. En conduite douce, certains arrivaient à descendre à 6,5 litres.
La Renault Dauphine reste un symbole vivant d’une France en plein essor. Elle évoque les souvenirs de vacances, de premiers trajets et de liberté retrouvée. Elle s’est aussi glissée dans la culture populaire, apparaissant dans plusieurs films français des années 60 et 70, comme « Le Corniaud » ou « Les Grandes Vacances ». Une icône vintage à redécouvrir sans modération.